19 avril 2016

PHILANTHROPE OU CHARITABLE?





La différence dans la fécondité de la philanthropie et de la charité est nécessaire, car pour Bernanos, la charité s’exerce au nom du Christ. Prenons l’exemple de mère Térésa, qui accompagnait des mourants. Que fait-elle ? Elle les met dans un linceul et les entoure. Ce n’est pas de la philanthropie ; son action n’a pas d’utilité sociale évidente, mais elle témoigne de l’amour du Christ pour chacun, de la dignité de chaque être humain et cet amour passe par elle. Dans l’action, philanthropie et charité peuvent se rejoindre pour secourir la misère sous toutes ses formes, mais la charité implique un accompagnement peut-être encore plus total puisqu’elle entend aimer l’autre comme le Christ nous aime. Alors peut-être n’est-ce pas l’efficacité matérielle qui prime mais ce sens de l’amour et de la pauvreté partagée. Dans le Journal, Bernanos reprend et commente la phrase du Christ « vous aurez toujours les pauvres parmi vous », elle rappelle qu’elle n’est pas celle d’un démagogue. L’écrivain veut nous faire partager la douleur épouvantée du Christ face à la pauvreté, et, tout en luttant contre elle, nous faire communier avec les pauvres dont « la patience » sauvera le monde. Il reprend la parole du Psaume : « la patience des pauvres ne périra pas ». L’action concrète peut être la même mais elle change de sens. (...)
Par ailleurs, si Bernanos plonge dans l’angoisse, il laisse toujours entrevoir un sens. Vous ne souffrez pas en vain, semble-t-il nous dire. Les dialogues sont poussés dans la mesure où les personnages s’affrontent au plus profond d’eux même. Cette radicalité et cette profondeur éliminent tout ce qui pourrait n’être que superficiel. Comme dans le monde de Malraux, les dialogues sont décapants. Malraux était agnostique mais il a compris Bernanos. Ces deux auteurs nous interpellent sur le sens de la vie humaine et du monde, même si ce sens est différent pour chacun d’eux. Dans les deux cas, l’homme n’est pas réduit à un simple homme. Ils défendent une grandeur qui est propre à lui-même. Le monde moderne se caractérise par la « banalisation du mal », et la perte du sens, et une forme de divertissement pascalien qui maintient l’homme. C’est ce que montre Kundera quand il évoque dans un roman « insoutenable légèreté de l’être ». Dans le monde bernanosien, tout prend sens avec la Passion du Christ et l’Incarnation. Il invite à comprendre, partager, ne pas juger mais pardonner. N’est-ce pas en grande partie le sens de l’ultime parole qui clôt le Journal d’un curé de campagne: «Qu’est ce que cela fait? Tout est grâce».

 Monique Gosselin-Noat, grande universitaire (Paris X)
"Bernanos ne veut pas que l’on confonde le catholicisme avec une ONG "
 aleteia.org  31/03/2016


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