25 février 2016

LE MYSTÈRE DE LA CHARITÉ






Madeleine Delbrêl était plongée dans des milieux prolétaires dont elle connaissait la mentalité et la valeur. Elle disait d’eux : « La bonté, on la rencontre seulement quelquefois chez les petits, et ils en gardent en tout cas et le nom et la nostalgie. » Ce milieu était encadré et dynamisé par le Parti communiste, dont elle pointe non sans humour une contradiction : « Si le cœur est rigoureusement absent de la doctrine communiste, il est sans doute son plus important facteur d’action. » Dans ce creuset de vie, elle est consciente de l’usure des mots : cœur, charité, mais aussi bonté sont devenus péjoratifs dans certains sens. C’est que leurs réalités s’estompent vite, y compris chez un chrétien devenu au fil des jours un individualiste ou bien l’homme d’un milieu, coupé de Dieu. Cependant, elle insiste : « Faites ce que vous voudrez pourvu que la bonté tienne dans votre vie une place proportionnée à la place de Dieu. »  Mais elle sait que la bonté n’a rien de définitif. Ce qui est donné définitivement au chrétien, « c’est le cœur de Jésus-Christ, la faculté définitive de pouvoir y régénérer à chaque instant son propre cœur. »  Le chrétien serait perdu sans cette faculté de se régénérer. Quand la bonté glisse vers les seules bonnes mœurs ou les habitudes chrétiennes, elle n’est plus « soudée à la charité. » Au contraire, la bonté est « traduction du mystère de la charité », elle est « le corps sensible de la charité. » Lucide sur un monde qui « nous force à être nous-mêmes plus autre chose : famille, profession, nationalité, race, classe... », elle dit l’intime de la vie touchée par le Christ : « Pour la bonté de Jésus-Christ, c’est chacun qui existe, et tout le reste devient d’un coup relatif. » Là se trouve le mouvement apostolique de Madeleine, prophète pour notre temps : « L’Évangile n’est annoncé vraiment que si l’évangélisation reproduit entre le chrétien et les autres le cœur à cœur du chrétien avec le Christ et l’Évangile. » Alors, cette bonté du cœur « sympathise avec ce qui, dans le cœur de l’incroyant, est à la fois le plus solitaire et plus apte à se tourner intérieurement, secrètement vers Dieu comme un possible. » 

P. Gilles François
"Une figure spirituelle"
3 mn de miséricorde 24/02/2016
croire.com

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Puisque les Paroles, ô mon Dieu, ne sont pas faites pour rester inertes dans nos livres, mais pour nous posséder et courir le monde en nous, permets que de ce feu de joie, allumé par toi, jadis, sur une montagne, que de cette leçon de bonheur, des étincelles nous mordent, nous investissent, nous envahissent. Fais que, habités par elles, comme des flammèches dans les chaumes, nous courions les rues de la ville, nous longions les vagues des foules, contagieux de la béatitude, contagieux de la joie. Car nous en avons vraiment assez de tous ces crieurs de mauvaises nouvelles, de tristes nouvelles. Ils font tellement de bruit que ta Parole ne retentit plus. Fais dans leur tintamarre éclater le silence palpitant de ton message. Dans les cohues sans visage fais passer notre joie recueillie, plus retentissante que les cris des crieurs de journaux. Plus envahissante que la tristesse étale de la masse.

Madeleine Delbrêl (1904-1964), assistante sociale et mystique

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