29 février 2016

DISTANCE SALVATRICE ...



... EN REGARDANT LE CIEL
Le jeûne spirituel auquel nous invite le carême – bien plus que la non absorption de viande ou de gras – ouvre en nous des salles d’attente harmonieuses, vides et ouvertes sur l’intime. Attente de beauté, de vérité, attente d’essentiel. Alors, on peut y murmurer des conversations secrètes avec ses amis, et comme dans une nouvelle demeure, meubler ces espaces vides avec des objets de réflexion les plus essentiels, les plus nourrissants pour l’âme. Objets d’amour et d’attente divine. On est comme en musique, lorsque le compositeur inscrit sur la partition ses mesures de silence, subtilement étagées entre pauses et soupirs. C’est cela même : lors de cette distance salutaire, on a le sentiment de  retranscrire sa vie sur une partition de musique, et ces soudain silences sont autant de pauses dans l’exécution d’un quotidien le plus souvent imposé par d’autres, et si impérieusement qu’on finit par ne plus s’en rendre compte.
Nul n’est besoin de partir très loin pour provoquer cette distance salvatrice. Mais la rupture avec la technologie – téléphone, ordinateur – reste indispensable, de façon que la parole qui ne répond qu’à de l’information pratique cède la place à une parole personnelle et profonde – quelque chose comme une prière, sous toutes ses formes. Prière qui est un éclat de joie spontanée, prière de la résolution salvatrice, du désir de Dieu, prière profonde de l’évocation de tous ceux qu’on aime, jusqu’au plus lointain de ses prochains.
Bien sûr, ces retraites sont d’autant plus fructueuses qu’on s’entoure de divin avec des paysages choisis. (...) Dans leur contemplation, l’instant se dilate en éternité. L’actualité se dissipe comme une brume et avec elle, ses ombres. (...) La vie des autres fait silence. Et s’il est impossible de partir vers ces lieux qui proclament glorieusement la présence et la beauté de Dieu, on peut toujours s’allonger et regarder le ciel, de jour et de nuit, pour en déguster tous les degrés de profondeur, d’infinis et d’éternité.

Christiane Rancé,  écrivain
Extraits de "Distances"
pollen.blog.croire.com 28/02/2016

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