2 avril 2015

SERAIT-CE MOI, SEIGNEUR?



Judas, by Leonard de Vinci (1452-1519)


"- Serait-ce moi Seigneur qui m’assoupirai tout à l’heure au lieu de rester à tes côtés lorsque tu auras besoin de ma présence et de ma prière au jardin de Gethsémani ? Serait-ce moi qui ferai comme si je ne te connaissais pas lorsque tu seras soumis à la question dans la maison du Grand Prêtre ? Serait-ce moi qui vais te vendre pour une trentaine de pièces d’argent ? Serait-ce moi Seigneur qui, aujourd’hui encore, m’assoupis au lieu de veiller, qui vis ma foi dans la faible mesure où mes occupations quotidiennes m’en laissent le loisir. Serait-ce moi qui, peut-être, te trahis sans même en avoir véritablement conscience ?
- C’est possible, mais c’est aussi toi qui as quitté tes filets, ta sécurité, ta respectabilité pour me suivre. C’est toi qui as risqué ta vie et surmonté ta peur pour m’accompagner au plus loin que tu pouvais. C’est toi qui as marché avec moi sur les routes de Galilée et dans ma montée vers Jérusalem sans savoir où nous allions. Et c’est toi qui, aujourd’hui encore, là où tu es, là où tu en es, entretiens la petite flamme de la foi sur ton lieu de travail, au sein de ta famille, parmi tes amis pour qui je ne suis pas forcément grand-chose. C’est toi qui as le courage parfois d’être, en mon nom, signe de contradiction. Alors, laisse donc cette question avec son poids de culpabilité et d’angoisse que tu n’as pas à porter. Vis pleinement ces instants d’intimité ensemble, ce dernier moment d’amitié auquel je tiens plus que tout.
- D’accord Seigneur, mais laisse-moi reposer ma question : serait-ce pour moi Seigneur qu’aujourd’hui, aujourd’hui encore, tu t’apprêtes à donner ta vie ? Serait-ce pour moi ? "

Frère Jean-Paul Vesco 
Evêque d'Oran
Méditation sur la trahison de Judas
caremedanslaville.org

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(...) Jésus sait qui va le trahir, il le désigne en lui donnant une bouchée, et Judas se soumet, sans un mot, au pouvoir de Satan qui a pris possession de lui. L’un et l’autre donnent l’impression d’être mus par un autre qu’eux-mêmes, Jésus par la volonté de son Père et Judas par la volonté de Satan. Tout est écrit. Il faut que s’accomplissent les Écritures. 
Pourtant, paradoxalement, ni Jésus ni Judas n’ont jamais été aussi libres qu’en cet instant. L’un et l’autre ont la possibilité de dire non. La liberté de Jésus se tient dans le consentement à la mystérieuse volonté de son Père, et la liberté de Judas se tient dans la résistance à la tentation de Satan. L’un fait usage de sa liberté souveraine et l’autre non. Judas prend conscience d’être passé à côté de cet instant d’absolue liberté. Son désespoir est le signe de cette terrible prise de conscience.
Il en est de même dans nos vies : devant nous, une page blanche où notre liberté a le champ vertigineusement libre. Derrière nous, l’impression que des fils mystérieux ont tissé une histoire qui n’est pas seulement le fait du hasard. Comme Jésus et Judas au moment de la dernière Cène, nos vies se tiennent entre ciel et terre et notre liberté d’enfants de Dieu s’écrit sur fond de consentement et de résistance. Consentement à ce que le Seigneur veut écrire en nos vies, résistance à ce qui y fait obstacle.

Frère Jean-Paul Vesco 
Evêque d'Oran
Méditation "Consentir et résister"
carêmedanslaville.org

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Dieu a bien un plan d'amour pour chacune des créatures et un dessein sur le monde, mais cette histoire n'est pas écrite à l'avance par Dieu seul.  Le livre de notre vie est toujours écrit à deux mains, celle de ma liberté dans celle de Dieu. Paradoxe à tenir d'un jeu d'amour entre liberté divine et liberté de la créature. S'il en est ainsi de l'authentique visage de la Providence, plus nous allons livrer notre liberté au Père très bon, plus celle-ci en sortira libérée et grandie. (...) L'amour ne s'impose pas mais se propose: "Je t'aime tellement que je te crée totalement libre de m'aimer en retour."

P. Joël Guibert, prêtre du diocèse de Nantes, prédicateur
in "L'Art d'être Libre - Providence et liberté ", éd. de l'Emmanuel, 2013


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