4 avril 2015

SAMEDI-SAINT: LA PUISSANCE DU SILENCE



By Charles Filiger, vers 1892

C’est le tombeau, il fait noir. A peine entend-on tomber, comme dans nos grottes, une goutte du plafond bas. Silence. Après son dernier cri, dans la nuit du caveau, le Verbe se tait.
Et nous, qui suivions, depuis le dimanche des Rameaux, le Christ dans ses dernières heures, sommes brusquement saisis par la puissance de ce silence. Tout est calme. La foule et son tumulte ont disparu, les soldats et leur vacarme s’en sont allés, les pleurs des proches ont cessé. La liturgie même, d’ordinaire peu avare de paroles, aujourd’hui se tait. 
La ville alentours aussi est silencieuse : c’est le sabbat. Les industries s’arrêtent, les animaux et les hommes sont rentrés. Jérusalem est calme comme Paris un dimanche. 
La prescription mosaïque du jour chômé s’observe d’ailleurs jusqu’au tombeau : Jésus chôme aussi, après tout l’ouvrage qu’il a fait. Est-il mort ? Non pas, il dort. Dans l’attente du jour nouveau, où la grande machine de l’univers reprendra sa marche, mais autrement neuve, ressuscitée.
"Le Père n’a dit qu’une parole : ce fut son Fils. Et il la dit toujours dans un silence sans fin. Et c’est dans le silence qu’elle peut être entendue de l’âme". St Jean de la Croix.
Dans la nuit du saint samedi, méditons la genèse de ce monde nouveau qui naît dans le silence.

sulpissy.info

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(...)
Samedi, on a encore eu cette espèce d'orage qui n'en était pas un. Mais c'était déjà plus lointain, on sentait que ça s'en allait. Le ciel avait perdu cette noirceur épaisse, étouffante, qu'il avait eue la veille. Il était devenu gris, bêtement gris. Tout à fait ce genre de grisaille plate, monotone, qui convient à une journée vide, nue, sans événement. Une journée où l'on ne trouve rien à faire qu'à attendre. Pour un jour de sabbat, ce n'était pas plus mal.
Et puis, dans la nuit du samedi au dimanche, quand la mère de Jésus a regardé par la fenêtre, elle a vu quelques étoiles. Quelques-unes seulement, mais c'était le signe que la couche nuageuse commençait à se déchirer et qu'on allait bientôt retrouver ce beau temps et cet air limpide qui font partie des plaisirs de la vie à Jérusalem. Marie est restée accoudée à contempler les premières étoiles. À guetter s'il en viendrait d'autres.
Au bout d'un moment, [Jean] est venu près d'elle. (...) Il lui a dit qu'elle ferait mieux d'aller dormir un peu, mais elle a secoué la tête. Depuis la mort de Jésus, elle ne dort plus. C'est comme ça, Jean, je suis sa mère je l'ai tellement, oh! tellement aimé. Oui, je comprends, a dit Jean, moi non plus, je n'arrive pas à dormir. (...) Et ils n'ont plus parlé.
Au début, Marie et Jean pouvaient compter les étoiles. Et puis c'est devenu impossible, tout à coup il y en a eu trop.
(...)
Didier Decoin, écrivain, scénariste
in "Jésus, le Dieu qui riait", éd. Le Livre de Poche, 1999

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La Vierge Marie était totalement dans la souffrance avec son Fils, mais elle était aussi totalement dans la Foi et donc totalement dans la confiance. Elle attendait "la suite", sachant qu'il allait se passer quelque chose. On ne le lit pas dans l' Evangile, mais Saint Ignace de Loyola dit que la première apparition du Ressuscité a été pour sa mère...

P. Thierry-François de Vregille, 
Fraternité de la Parole, Avignon



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