Disons seulement quelques mots de l’histoire, sans vouloir aucunement reprendre la totalité du dossier. Les évangélistes Matthieu et Luc croyaient-ils en la réalité de la conception virginale ? Il est bien difficile de le nier. Pourquoi auraient-ils inventé un langage aussi contraire à la tradition juive qui met tant en honneur la fécondité conjugale et ne parle pratiquement pas de la virginité comme d’une valeur ? Comment concevoir le choix d’un tel « symbole », immédiatement contraire aux faits ?
Il en va de même de l’Eglise ancienne : un Irénée a parfaitement conscience de se battre sur deux fronts, celui des gnostiques docètes qui dénient toute humanité corporelle à Jésus et celui de certains groupes judaïsant qui affirment déjà tout de go que Jésus est le fruit de l’union de Joseph et de Marie.
Cela se passe au IIe siècle, bien avant que la virginité ne soit en honneur dans l’Eglise. L’erreur est ici de croire que ces affirmations sont le fruit d’une estime privilégiée de la virginité dans la mentalité chrétienne de l’époque, alors qu’au contraire c’est la virginité de Marie qui est à la source de l’éloge de la virginité dans l’Eglise ancienne.
Aujourd’hui, c’est la question de la virginité perpétuelle de Marie, en raison de la mention des frères et sœurs de Jésus dans les Evangiles, qui est davantage à l’ordre du jour. Le cas est délicat : il est bon de distinguer ici le plan de l’histoire et celui de la foi.
Sur le premier plan, j’en reste à la conviction que la preuve de l’identité exacte de ces frères (issus des mêmes parents ou membres proches de la famille) ne peut être décidée, pour la raison que les évangélistes n’ont pas pris le soin de nous en informer avec précision et que les arguments invoqués se retournent avec une extrême facilité.
Cette conviction est partagée par nombre d’exégètes sérieux. Le fait que le grec distingue le terme de frère du terme de cousin, alors que l’hébreu ne le fait pas, ne dirime nullement la question de l’extension de l’usage de ce terme de frère à l’époque.
Le sens de la famille nucléaire est très moderne, par rapport à la conception traditionnelle de la fratrie. En tout cas, le mot de frère est utilisé dans les évangiles pour la fraternité spirituelle, comme il l’est encore aujourd’hui dans certaines communautés religieuses, ce qui suppose qu’il était apte à une telle transposition. Les Evangiles ne nous donnent pas les éléments nécessaires d’un tel jugement.
Père Bernard Sesboüé, théologien jésuite
Publié dans « Présence Mariste » n°246, janvier 2006.
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