La consécration du monde à Marie n’est pas un geste automatique, mais implique un engagement de chaque chrétien. La consécration, en principe, se rapporte à Dieu. Parler de consécration à Marie est un raccourci, et ce serait même de l’idolâtrie au sens strict du mot. (...)
Marie est celle qui ne laisse rien perdre du don de Dieu,
celle dont la foi est parfaite. Et, par sa foi, comme une maman, elle nous
apprend à balbutier le « oui » qui permet à cette consécration désirée par Dieu
d’agir en nous. (...) C’est un « acte de confiance » en Marie. Elle n’est pas le but mais, comme saint
Louis-Marie Grignion de Montfort aimait à le répéter, le moule, dans lequel
nous nous laissons couler pour être modelés par l’Esprit Saint. C’est l’Esprit
qui nous consacre.
Se consacrer personnellement à Marie est une chose, mais quel sens revêt une consécration du monde ? N’est-ce pas empiéter sur la liberté de ceux qui ne croient pas ?
Cette consécration est une
proposition que nous ne pouvons pas ne pas faire, car le monde nous est confié
: nous sommes solidaires les uns des autres. Il y a une dimension
d’intercession. (...) À notre mesure, nous offrons ce monde, mais ce geste reste
une proposition. On ne peut être consacré de force. Beaucoup resteront
indifférents, mais d’autres se laisseront interroger : et pour toi, quel sens
revêt ce geste ? À charge pour chacun de le ratifier. La consécration n’est pas
un geste magique qui ferait de ce monde un monde chrétien. Il faut un
engagement de notre vie pour que, à travers nous, le don de l’Évangile puisse
être mieux accueilli. Le monde qui excluait Dieu s’est ouvert grâce au « oui »
de Marie. Elle a été cette porte étroite qui a permis à Dieu de venir dans ce
monde, et en la rejoignant, nous aussi, nous ouvrons une petite porte à Dieu
pour qu’il puisse venir dans ce monde.
Peut-on voir des répercussions de cet acte dans l’histoire des nations ?
C’est très difficile à dire.
La question vaut pour la mort de Jésus : 2 000 ans après, constatant l’état du
monde, certains se demandent parfois à quoi elle a bien pu servir… Mais Jésus
n’est pas vraiment venu tant que nous ne l’avons pas vraiment accueilli. Si
l’Église éprouve le besoin de consacrer de nouveau le monde, c’est justement
que notre cœur ne s’est pas encore véritablement consacré à lui.
En revanche, on ne peut que s’étonner
de constater qu’après le geste de consécration à Marie, en 1984, des choses
considérables ont changé : un an plus tard, ce fut l’arrivée de Gorbatchev avec
la glasnost et la perestroïka en Russie, pays qui était particulièrement lié à
cet acte de consécration dans le message de Fatima… Il y a des coïncidences
frappantes, mais jamais nous ne pourrons dire que c’est automatique, puisque
c’est sans cesse une proposition qui est adressée à notre liberté. Aujourd’hui,
le pape François voit bien l’état de ce monde, menacé par les guerres
terroristes : la consécration à Marie est, pour lui, une manière de travailler
à la paix.
P. André Cabes, Fraternité monastique de Jérusalem, théologien et recteur de la Trinité des Monts, à Rome
Interview by Céline Hoyau (extraits)
in La Croix
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire