20 novembre 2012

ACCEPTER LA PAUVRETÉ DU MESSAGER



By Arcabas, musée d'art sacré contemporain
St-Hugues-de-Chartreuse, Isère

Question capitale : à quoi sert le christianisme s'il ne change rien dans le monde ? 

La victoire pascale, c'est là notre scandale, l'épreuve de notre foi : le Christ ne surmonte pas le mal en le supprimant mais, si l'on veut, en l'utilisant. C'est parce que la Passion est l'heure de Satan, qu'elle est aussi l'heure du Christ, et c'est parce que le péché abonde que la grâce surabonde. Le mal, à la Croix, est en quelque sorte mobilisé contre lui-même puisqu'il produit son contraire : la libération du mal par le paroxysme de l'amour. Les « démons » sont toujours là : la haine, le mépris, l'exploitation de l'autre, son utilisation qui en fait un objet, etc. On le sait, la victoire sur le mal est déjà accomplie et pourtant nous l'attendons encore. Le Christ nous a libérés et pourtant il nous dit de demander sans cesse « délivre-nous du mal ». Nous sommes déjà libérés cependant, parce que nous avons le pouvoir de répondre par l'amour à ce qui nous blesse, même quand il s'agit de notre propre péché. Voilà où réside notre « autorité sur les esprits mauvais ». Le disciple a donc bien autorité sur les esprits mauvais, au sens qui vient d'être dit, mais il n'a pas autorité sur les hommes. Si on l'accueille, il entre dans la maison ; si on le refuse, il s'en va. C'est pour laisser aux hommes cette liberté que le disciple se présente les mains nues. Cependant, cette pauvreté du messager de l'Évangile fonctionne comme un appel : celui à qui il s'adresse est mis en situation de lui offrir le gîte et le couvert, ne serait-ce qu'un verre d'eau. Du coup, la communauté de la charité se constitue déjà. Par la simple manière dont l'apôtre se présente, le destinataire du message est amené à vivre l'Évangile de la charité. Un jour il s'entendra dire : « C'est à moi que vous l'avez fait ». Comment vivre cela aujourd'hui ? Du côté du messager en renonçant à toute prétention, à tout ce qui peut conditionner les hommes, bref en vivant d'abord le respect. Du côté du destinataire du message, en acceptant, au lieu de la critiquer, la pauvreté du messager : ses lacunes intellectuelles, culturelles, humaines, et même morales.   

Père Marcel Domergue, jésuite 
cité par croire.com, en ligne

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