Cet espace d’une vastitude et d’une richesse inouïes qu’on appelle l’intériorité
Comment occuper ce temps où chacun dormait tandis que, tourneboulant dans mon lit, je cherchais désespérément à m’occuper sinon en déployant les ressources de mon imagination ?Quand vint l’adolescence, je décidai d’apprivoiser l’insomnie pour en faire une alliée. Ce drastique changement de regard sur cette tare qui empoisonnait jusqu’ici mon existence me fut infiniment bénéfique. Dans ce temps suspendu, j’appris à creuser cet espace d’une vastitude et d’une richesse inouïes qu’on appelle l’intériorité. Je fis d’abord appel aux écrivains. François Mauriac, Georges Bernanos, Julien Green, Flannery O’Connor me tinrent fructueusement compagnie. Bientôt adulte, en quête de sens, je plongeai avec ardeur dans la Bible et les textes des grands penseurs chrétiens. Ils vinrent irradier ces nuits qui, avant eux, s’apparentaient à d’affreuses ténèbres. Grâce à leurs écrits, l’insomnie ne constituait plus un handicap mais devint un atout de taille, m’offrant le loisir de cultiver, d’approfondir et affermir ma foi. Aujourd’hui, l’avidité d’antan à lire tous ces auteurs, sans se tarir s’est estompée pour laisser émerger la prière, chant de grâce personnel et intime à l’adresse d’Un plus grand logé au cœur de l’être. Peu importe le sommeil, chaque nuit est l’heure de ce rendez-vous essentiel avec la Vie transcendante dont le pouls magistral bat la mesure du monde. Instants incandescents où, blottie dans les bras célestes, j’accède au vrai repos qu’est la paix de l’âme en Dieu.
Cécilia Dutter, écrivaine et critique littéraire
La Vie, 3 juillet 2024
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