7 juillet 2024

« ET LE VERBE S’EST FAIT CHAIR « 




L’incompréhensible, on ne l’appréhende pas avec les yeux, seulement avec l’esprit. 

Au fronton de la basilique de l’Annonciation à Nazareth une citation étale l’ampleur de l’événement: « Et le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous. » D’emblée, je me détourne des figurations de Marie en bas-relief sur la façade. L’incompréhensible, on ne l’appréhende pas avec les yeux, seulement avec l’esprit. Aucune image n’exprimera autant que les mots de Jean inscrits là. Malgré la réussite artistique des peintres, des mosaïques et des sculpteurs qui, dans le monde entier, matérialisent une Marie ravissante et un bel ange Gabriel, en dépit de leurs chefs-d’oeuvre, ils demeurent en surface; illustrant le miracle davantage qu’ils ne le rendent perceptible, ils le banalisent au moyen de représentations ingénues qui lui ôtent toute densité — quand elles ne le suppriment pas.

Je pénètre dans la basilique aux harmonieux volumes bétonnés et me referme comme une coquille. Je n’aime guère ces tableaux venus de divers pays, encore moins l’immense mosaïque de la nef. Comment accorder du crédit à cette scène ? Dans quel but peindre une créature de sexe indéterminé en suspension au-dessus d’une adolescente ? Par réflexe, je baisse les paupières. Quand je les rouvre, je ne détaille pas ce qui m’entoure, j’aspire à palper l’impalpable, à mesurer l’immensurable.

Éric-Emmanuel Schmitt, 

Le défi de Jérusalem, Albin Michel pp.64-67 

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