2 mai 2023

RETROUVER LE SENS DU SACRÉ

 



Il y a un profond besoin anthropologique de sacré

Il est parfois agaçant pour des croyants de se faire reprendre par des athées ou des néoconvertis qui tancent notre « mollesse », et estiment que nous manquons de vigueur dans notre foi. Ces vibrants plaidoyers pour le retour du sacré sont dirigés contre notre modernité, notre siècle sans valeurs et transhumaniste, où la liberté de chacun nivelle toute morale. Il faut prendre au sérieux ces demandes de sacré. Il y a un profond besoin anthropologique de sacré, que les religions ont toujours partiellement comblé. Et comment ne pas comprendre cette attente de sacré, de ce qui met de la distance, qui implique le respect, la pudeur, dans une société actuelle où règne une grande confusion, où tout semble possible, placé sur un pied d’égalité… Pour autant, le sacré est un mot piège, en ce qu’il implique aussi une séparation. Le sacré, c’est ce qui a permis, si longtemps, à des hommes religieux de se protéger, et d’exercer un pouvoir du fait de leur statut différent. De ce point de vue, l’hypersacralisation peut être lue comme une dangereuse dérive religieuse. Ceux qui redemandent du sacré ont la mémoire courte. Car au nom d’une conception erronée du sacré, combien de croyants furent terrorisés par un Dieu présenté comme terrible, lointain, inhumain, sacralisé ? Au XXe siècle, les théologiens ont préféré revenir aux sources. Ils ont montré comment la Bible, plus que le sacré, privilégiait la sanctification et la sainteté, sainteté à laquelle tous les hommes sont appelés. En régime chrétien, le véritable sacré réside dans chaque personne, car le Christ s’est identifié à tous : « J’avais faim, j’étais malade, j’étais en prison… » (Matthieu 25). Ce sacré-là n’empêche pas le respect, la pudeur, la dignité, au contraire. Le sacré est à rechercher dans le SDF qui boit, le drogué qui zone, l’enfant que l’on abuse, le vieux que l’on oublie, comme dans le prêtre derrière l’autel. C’est un sacré exigeant, il implique que nous nous surpassions, que nous nous hissions à hauteur de Dieu. Bien plus que de dire la messe en latin.


Isabelle de Gaulmyn, 

Journal La Croix- L’Hebdo

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