25 mai 2020

ALBERT CAMUS, UN CHRÉTIEN « NATUREL »




Ce que le monde d’aujourd’hui réclame des chrétiens.

Ne me sentant en possession d’aucune vérité absolue et d’aucun message, je ne partirai jamais du principe que la vérité chrétienne est illusoire, mais seulement de ce fait que je n’ai pas pu y entrer. (...)
Il n’y a de dialogue possible qu’entre des gens qui restent ce qu’ils sont et qui parlent vrai. Cela revient à dire que le monde d’aujourd’hui réclame des chrétiens qu’ils restent des chrétiens. (...) Je n’essaierai donc pas pour ma part de me faire chrétien devant vous. Je partage avec vous la même horreur du mal. Mais je ne partage pas votre espoir et je continue à lutter contre cet univers où des enfants souffrent et meurent. (...)
De quel droit d’ailleurs un chrétien ou un marxiste m’accuserait-il par exemple de pessimisme ? Ce n’est pas moi qui ai inventé la misère de la créature, ni les terribles formules de la malédiction divine. Ce n’est pas moi qui ai crié ce Nemo bonus (nul homme n’est bon), ni la damnation des enfants sans baptême. Ce n’est pas moi qui ai dit que l’homme était incapable de se sauver tout seul et que, du fond de son abaissement, il n’avait d’espérance que dans la grâce de Dieu. (...)
Nous sommes devant le mal. Et, pour moi, il est vrai que je me sens un peu comme cet Augustin d’avant le christianisme qui disait: » Je cherchais d’où vient le mal et je n’en sortais pas. » (...) Nous ne pouvons pas empêcher peut-être que cette création soit celle où des enfants sont torturés. Mais nous pouvons diminuer le nombre des enfants torturés. Et si vous chrétiens ne nous y aidez pas, qui donc dans le monde pourra nous y aider ? »

Albert Camus +1960
in Chroniques (1944-1948)
panorama, mai 2020

Aucun commentaire: