10 décembre 2019

SECOURIR LA SOUFFRANCE





Vous serez là toujours, compagnon de la nuit.

Tant qu’il y aura une douleur à partager dans le monde, vous serez là, compagnon de la nuit et du doute, de la veille et des larmes. L’aurore se lèvera pour les autres ; pour vous, elle sera encore prématurée tant qu’il y aura un enfant plongé dans le coma, et des parents effondrés pour qui le temps s’est arrêté au chevet d’un être déjà absent. Vous serez toujours cette femme sans âge, les yeux dévorés de pleurs au carrefour de toutes les passions, prête à toute compassion. Pour vous, il pleut sur la route du soleil, et vous êtes cet aveugle que les voitures éclaboussent au trottoir. Le chemin du bonheur, il faut le traverser bien vite, au risque d’être renversée par les fous de la vie, vous qui n’avez de regard que pour le mourant négligé sur la chaussée, de l’autre côté de la voie qui mène de Jérusalem à Jéricho. Et si l’on vous demande raison de l’espérance qui vous presse à agir de la sorte, vous prenez l’enfant mort qu’on descend de la croix et vous lui ouvrez le tombeau de vos bras, pour que là, tout contre votre sein, il repose et s’éveille et revive en vos entrailles.

Bx Christian de Chergé, prieur du monastère trappiste de Tibhirine (Algérie),
méditation magnificat
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Vous et moi, fils et filles bien-aimés de Dieu, comment devenir plus ouverts sur le monde de ceux qui sont brisés et impuissants ? Comment avec tout ce que nous avons à faire, pouvons-nous entrer avec eux dans une relation plus humaine ? Comment pouvons-nous même imaginer attirer les autres avec nos cœurs dans une authentique réciprocité ? Prendre soin en tant qu’enfants bien-aimés de Dieu, c’est s’efforcer d’être présents, d’écouter et d’embrasser affectueusement un frère ou une sœur plus faible qui a peut-être été effrayé par de rudes commentaires sur son cas, examiné par des mains hostiles ou ignoré par des oreilles sourdes. Nous le faisons, même quand nous ne pouvons rien faire pour changer la situation. C’est là le cœur de notre défi. Que nous ayons ou non choisi la pratique du soin comme notre profession, nous affirmons que prendre soin porte d’abord sur une présence à un frère ou une sœur bien-aimé qui, en ce moment, se sent impuissant. Ici même, nous acceptons en nous-mêmes de ne pas être d’abord quelqu’un qui enlève la souffrance, mais plutôt quelqu’un qui est prêt à la partager.


P. Henri Nouwen († 1996), prêtre néerlandais

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