7 mai 2019

LA VÉRITÉ DE DIEU






L‘Esprit de Dieu souffle où il veut.

Quelle idée étrange, étroite, nous faisons-nous parfois de la Vérité de Dieu ?
Par quelle présomption nous la représentons-nous comme un domaine de lumière limité dont les propriétaires de droit divin ont, une fois pour toutes, placé les bornes.
Par quel entêtement fidèle veux-je la concevoir immuable, fixe, telle qu'une seule variation de mon esprit me semble à l'égard d'elle un sacrilège ?
La vérité de Dieu, une fois révélée, telle qu'une fois elle a tenu tout entière – tout entière ? – dans la tête de douze hommes et de quelques autres, doit s'arrêter là au mot qui fut dit.
De peur qu'elle ne s'échappe, nous l'enfermons, nous la gardons au tombeau, nous l'entourons de gardes, nous roulons sur elle la lourde
meule qui l'empêchera de fuir et nous posons sur la pierre le sceau de l'autorité.
Que de précautions, de captivités, de défenses, de menaces, de procès, de sentences pour conserver à jamais inviolé dans son immobilité sacrée le corps – le cadavre – de Dieu.
Mais Dieu vit, ressuscite, s'échappe malgré le sceau, la pierre, les gardes, et son Esprit souffle où il veut dans la campagne.
Il me semble qu'une vérité est d'autant plus vraie qu'elle est plus vivante, qu'elle bouge, évolue, porte à chaque saison des fruits nouveaux ; qu'elle est d'autant plus divine qu'elle nous fuit sous une apparence pour réapparaître un peu plus loin sous un autre rayon, d'autant plus éternelle qu'elle reste à jamais inachevée en nousqui sommes finis, et change à nos yeux avec l'heure du jour, l'âge de l'homme, le pas des siècles et demeure au fond, pour tous – siècles et hommes – toujours illuminatrice, toujours nourricière. »

Marie Noël (Marie Rouget, 1883-1967), poétesse 
Notes intimes, Stock, 1959 
carême croire.com 

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