La culture au sens noble du terme est ce qui ensemence l’âme.
Nous assistons aujourd’hui à une véritable « révolution culturelle » dont nous ne mesurons pas encore toutes les conséquences, révolution comparable probablement à celle initiée par l’imprimerie au XVe siècle. L’effacement du livre représente un véritable danger : celui d’un appauvrissement considérable de la pensée, car si les échanges et les dialogues sur les réseaux sociaux ouvrent l’esprit à la discussion et à la confrontation des différents points de vue, ils ne permettent pas, en revanche, de construire une pensée.
La pensée a besoin, pour se former, d’un certain « retrait » vis-à-vis du monde, ce recul réflexif étant la condition pour pouvoir le penser. Or dans les débats et discussions que l’on peut mener sur Facebook (je me laisse parfois aussi prendre au jeu !), on privilégie la vitesse de la réponse et l’instantané de la riposte sur le temps et le délai que suppose la réflexion, par peur que son post ne soit déjà devenu obsolète une fois mis en ligne. Cela ne facilite guère le travail de la pensée, ce que l’on pourrait appeler la « patience du concept ». Lire les philosophes peut certes sembler un véritable défi pour les jeunes d’aujourd’hui, où l’effort intellectuel n’est guère encouragé et où l’on préfère, par paresse et facilité, se contenter de résumés succincts, mais quel régal aussi de voir des jeunes s’arracher quelques instants à leurs portables pour découvrir, dans le silence du recueillement, la méditation (je dirai presque la rumination) d’une leçon de philosophie ! Ceux qui parviennent encore à faire cet effort, qui les élève, peuvent alors prétendre acquérir une authentique « culture » (qu’il faut se garder de confondre avec une vaine érudition) dans le sens noble du terme, en tant que la « culture » est ce qui ensemence l’âme, et lui permet de s’éveiller et de nourrir le désir de vérité dont elle est porteuse.
Charles-Éric de Saint Germain, Professeur de philosophie en classes préparatoires,
Extrait de l’interview: Le vide spirituel actuel génère un besoin de philosophie
La rédaction d’aleteia 29/10/2018
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