11 octobre 2018

LA JOIE DES MISSIONNAIRES



Missionnaire de la Miséricorde

À Brazzaville, je connais très bien une dominicaine, sœur Ida. Elle vit au Congo avec les enfants dont personne ne veut : les handicapés mentaux, les autistes… À chaque fois que je lui rends visite, je suis ému aux larmes. Parfois, il lui faut un an pour apprendre à ces gosses à s’asseoir sur une chaise. Mais quand elle les regarde, c’est avec une tendresse immense. La dernière fois elle m’a confié que dans dix ans, ils sauraient tous lire. Elle souhaite créer pour eux une belle école avec un internat. Que répondre à tant de patience et de force de conviction ? J’ai donc cherché un moyen de financer son projet. (...)
Si on parle d’admiration et d’inspiration, parlons des missionnaires ! Je croise énormément de monde quand je pars en voyage et je dois dire que les religieux font partie des personnes qui me marquent le plus marqué. Je me souviens par exemple d’une religieuse rencontrée en Inde, à Ahmedabad. J’allais faire un sujet sur les chevaux, mais l’Alliance française m’a conseillé d’y faire un tour. Et là, j’ai eu un véritable coup de cœur : je suis tombée sur une religieuse française qui devait avoir autour de 80 ans. Pendant deux heures, je suis resté avec elle, alors qu’elle avait un lépreux dans les bras, défiguré, qui était en train de mourir. Elle l’embrassait et lui caressait le visage. Je crois que, finalement, accompagner une personne dans ses derniers instants, c’est la plus belle chose que l’on puisse faire. Pendant longtemps, j’ai conservé sa photo sur moi. C’est un peu le même choc que j’ai eu avec sœur Ida au Congo. Beaucoup gueulent contre les missionnaires, mais ils n’ont pas compris leur rôle incroyable ! Aujourd’hui, s’ils n’étaient pas là, le continent africain s’écroulerait ! Cette espèce de tradition d’aider les autres est formidable. Je ne sais si c’est la foi, mais ces religieuses et religieux sont resplendissants. Leur famille, ce sont les pauvres. Je pense à ma tante religieuse : elle a 100 ans et vit dans une maison de retraite. La dernière fois que je suis allé la voir, je lui ai demandé comment elle faisait pour être si joyeuse. Et là, elle m’a répondu : ce n’est pas difficile, j’essaye de ne pas penser à moi, mais aux autres.
Avec la photographie, je voyage, je contemple la maison du monde et je croise tous ces gens qui donnent sans compter, qui aident sans rien attendre en retour. Ceux qui font tout cela rayonnent d’une joie intérieure. Et en les contemplant, on a envie de faire pareil et de rayonner, comme eux. Est-ce par égoïsme ? Peut-être un peu car on aimerait avoir ce qu’ils ont. Alors quand sœur Ida me parle de sa maison pour aider tous ces gamins, je veux l’aider. Ça, ça me rend heureux. 

Yann Arthus-Bertrand, photographe illustrateur de l’encyclique « Laudato Si’ » du pape François.
Extrait d‘interview 
aleteia.org 09/10/2018


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