Van Gogh « Le Semeur », détail
Jésus, tu l’attends sur une rive ett il t’attend au milieu des eaux, tu le suis en haut de la montagne et il en est déjà redescendu, tu le cherches ici mais lui, il est ailleurs. C’est peu dire qu’il te déplace. C’est peu dire qu’il te dépasse.
Les codes religieux, les critères communautaires, les normes sociales, Jésus ne leur veut ni bien ni mal. Il se contente de réduire les enjeux en un seul. Le bien ou le mal, le bon ou le mauvais, le pur ou l’impur, autant de déclinaisons qui posent une seule et même question : qu’est-ce qui conduit au Royaume et qu’est-ce qui en complique l’accès ? Le scandale de ce passage de l’Évangile de Marc, c’est la pierre d’achoppement qui fait trébucher sur le chemin du Royaume. Alors, plus grand-chose n’a de valeur en soi; rien d’autre que ce chemin.
Et ce chemin se crée sous les pas de celui qui y marche. Là où les disciples tentent d’organiser une autoroute sur laquelle nous roulerions tous en passant par le même péage, Jésus redéfinit l’accès au Royaume à l’aune de nos singularités : toi tu trébucheras sur ceci, quant à toi, prends garde à cela. Et surtout, ne fais pas barrage à ton frère.
Ouvrir la route la route à un frère, cela implique de bien le connaître, cet autre « petit qui croit ». Et si le faisait trébucher ce qui me fait avancer moi ? Il s’agit de se faire « rout à tous », comme le résumera Paul dans le débat sur les viandes sacrifiées aux idoles. Manger ceci ou ne pas manger cela est une question qui ne se pose pas autrement qu’en terme de scandalon, qu’en pierre d’achoppement sur la route du Royaume. Alors mange si cela fait avancer ton frère et si cela le fait trébucher, ne mange pas. Toujours prévaut le réajustement de l’éthique sur l’invariabilité de la loi.
Et si Jésus devient à son tour scandalon, c’est pour nous faire trébucher sur nos recettes spirituelles prêtes
à l’emploi qui nous dispensent de connaître notre frère et les recoins de son chemin propre. C’est pour nous détourner de nos réflexes religieux qui érigent en dogme le bon et le mauvais, c’est pour faire obstacle sur nos chemins de mort qui conduisent à la triste efficacité de logiciels au détriment de nos pérégrinations humaines.
Car nos ajustements sont à Dieu une prière et lorsque nous faisons halte pour contempler l’horizon, c’est le
sourire de Dieu qui se lève comme un soleil, dans la joie pressentie de la Rencontre.
sourire de Dieu qui se lève comme un soleil, dans la joie pressentie de la Rencontre.
Marion Muller-Colard, théologienne protestante, écrivain
in Éclats d’Évangile Bayard éditions
commentaire sur Marc 9, 38-48 « La pierre d’achoppement »
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