26 mai 2018

LA VIE LÀ OÙ ON NE L‘ATTENDAIT PAS



Image: matthieu.retraitedanslaville.org



Au commencement, il y a la femme. On en parle peu, on la mentionne à peine, ce n’est pas souvent elle qui est mise en avant, mais on le sait : à l’origine, il y a, forcément, une femme. Pour Jésus, c’est pareil. Fils de Dieu, oui, mais né d’une femme. Et avant elle, des dizaines d’autres mères, qui se sont succédé pour transmettre la vie offerte par le Père. De vraies femmes, pas des princesses de contes de fées. Des femmes courageuses, indociles au destin qu’on leur a tracé, avides d’une existence qu’elles pourront offrir à leur tour. Matthieu en cite quatre dans cette généalogie. Elles ont des histoires compliquées. Thamar l’incestueuse*, Rahab la prostituée**, Ruth l’étrangère*** et, un peu plus loin, Bethsabée (femme d’Ourias) l’adultère****. Quels drôles de relais qui conduiront pourtant à la naissance du Messie ! Évidemment, il ne s’agit pas de suggérer que les femmes sont pécheresses ou je ne sais quelle autre idée préconçue héritée d’une théologie primitive et ridicule.
Sans doute faut-il plutôt entendre ici que l’histoire, parfois crasseuse, de notre humanité, n’empêche pas la vie d’émerger et d’être bénie par Dieu. Je dirais même plus. Sans ces histoires, parfois sordides, il n’y a pas de Pharès, pas de Booz, pas de Jobed, pas de Salomon, et alors pas de Jésus ! De ces femmes aux histoires jugées, a priori, indignes de la transmission de la promesse est née la vie, et cette vie fut un maillon nécessaire à la venue du Messie. Drôle de constat, non ? Comment juger après ça ? Faut-il juger ? Pour nous aussi, la vie de Dieu surgit souvent là où on ne l’attendait pas, et elle fait fi de nos condamnations mondaines. Pour peu qu’on lui laisse une chance, bien sûr. Et le message est, en ce commencement déjà, celui de tout l’Évangile : miséricorde. 

* Genèse 38, 13-18.
** Josué 2, 1ss
*** Livre de Ruth
**** 2 Samuel 11, 1-5

*

A la toute fin de la généalogie, Joseph, fils de tous ses pères, fils de David, fils d’Abraham, n’engendre pas. Il n’est pas le père qui transmet à Jésus la vie qui vient de Dieu. Jésus est engendré de Marie par un autre. L’autre n’est pas nommé.
Mais on comprend qu’il est l’Autre, celui qu’aucun nom n’enferme. Celui qui n’a reçu son nom d’aucun père avant lui. Tout ça pour ça ? Matthieu aurait pu l’annoncer directement et nous éviter cette liste fastidieuse ! 
Sans doute fallait-il tout ce déroulement pour mettre en valeur la rupture : la vie ne vient plus des pères, mais elle vient du Père. Matthieu affirme ici la divinité du Christ. Un motif théologique développé très tôt par les premières communautés chrétiennes. Mais il y a plus que cela. Avec Jésus, engendré par le Père, une nouvelle logique se met en place. Désormais, dans la foi, chacun se reçoit d’abord de Dieu, quels que soient sa famille, son peuple ou sa nation. Chacun, chacune, peut, à la suite de Jésus, se reconnaître fils, fille du même Père. Tous héritiers de la promesse, et donc, comme lui, tous porte-parole de Dieu.

Fr. Jocelyn Dorvault, dominicain
Extraits de la "Généalogie de Jésus"
matthieu.retraitedanslaville.org

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