Le désert c'est Dieu, et le silence sa parole», dit le proverbe touareg, je crois.
C'est pourquoi il nous faut partir au désert. (...) Lorsque la Bible prend les chemins du désert et s'y enfonce, lorsque l’Église elle-même à sa suite y appelle, c'est sans lyrisme, sans romantisme. L’Église et la Bible n'invitent pas au sable fin des dunes du Pilat, mais au désert, ce lieu que nul ne peut connaître s'il ne s'y blesse les pieds et le cœur. Car il n'y a que pour les citadins que le désert soit lyrique. Pour l'homme du désert, il est un univers dont il faut apprendre les lois. On ne l'aime qu'à ce prix. Au prix du dépouillement extrême. Et en revient-on jamais indemne ?
(...) C'est dans le désert que le peuple doit aller adorer Dieu (Exode 3, 17s ; 5, 1), c'est donc là que nous le suivrons, conscients que ce n'est là que le début d'un itinéraire sûrement beaucoup plus long, Dieu appelant au-delà, plus loin et comme à l'infini.
(...) En une succession de verbes que l'on croyait seulement humains, sont dites l'identité de Dieu et son action. Le Seigneur en effet dit à Moïse : «J'ai vu, oui, j'ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j'ai entendu ses cris sous les coups des chefs de corvée. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer. (...) La clameur des fils d'Israël est parvenue jusqu'à moi» (Dt 6)
L'identité de Dieu n'est pas du tout celle que l'on aurait pensée et que souvent l'on attribue au Dieu de l'Ancien Testament, l'accusant d'être loin, justicier, Dieu de colères et d'injustice. Non, rien de cela, mais tout l'inverse : il est touché aux entrailles par la misère de son peuple. Il connaît ses souffrances (verbe très fort en hébreu, qui signifie connaître d'expérience, au point que le mot désigne aussi en hébreu la relation sexuelle). Non, ce Dieu n'est pas impassible et enfermé dans un ciel inatteignable comme dans une tour d'ivoire. Il est descendu pour le délivrer. S'il en est ainsi, c'est bien un Dieu étonnamment proche et sauveur. Mais ici encore, les vues très humaines sont immédiatement balayées ou bouleversées. Quand Dieu voit la misère de son peuple et qu'il descend pour le délivrer, on attendrait un coup d'éclat, semblable à un coup de baguette magique. Mais il nous faut apprendre autre chose : la place de l'homme dans le projet de Dieu et dans son histoire avec nous. (...) Mais quand Dieu appelle, il est compagnon du chemin et l'homme n'est pas seul : envoyé en mission avec lui.
Dieu est en histoire avec son peuple. On le (re)connaîtra dans une histoire dans laquelle il est présent. (...) Telle est l'identité du Dieu biblique.
P. Jacques Nieuviarts, assomptionniste et bibliste
extraits de "Partir au désert", parcours de carême 2016
croire.com
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