9 septembre 2013

L'UNIQUE LECON DE LA GUERRE




Les écrits inachevés


Je ne crois plus que nous puissions corriger quoi que ce soit dans le monde extérieur que nous n'ayons d'abord corrigé en nous. Et cela me parait l'unique leçon de la guerre : de nous avoir appris à chercher en nous-mêmes et pas ailleurs.

Toutes les catastrophes procèdent de nous-mêmes. Et pourquoi est-ce la guerre ? Peut-être parce que jai parfois tendance à enguirlander mes semblables. Parce que nous navons pas assez damour en nous, moi-même, mon voisin, tout le monde. Et lon peut combattre la guerre et toutes ses séquelles en libérant en soi lamour, chaque jour, à chaque instant, et lui donner une chance de vivre. Et je crois que je ne pourrai jamais haïr un être humain pour ce que lon appelle sa "méchanceté", cest plutôt moi-même que je haïrais "haïr" est un trop grand mot. On ne saurait être trop relatif dans ce que lon exige des autres, ni trop absolu dans les exigences que lon simpose à soi-même. Et je crois que cest aussi la raison pour laquelle je nai pas peur à l’époque où nous sommes, parce que tout ce qui arrive mest, dune certaine façon, si proche, et en dépit des formes monstrueuses que cela prend parfois si évidemment produit par les hommes et toujours réductible à des phénomènes humains, et de ce fait, il est de nombreux comportements qui nont pour moi rien deffrayant, parce que je continue à y voir des productions humaines, provenant de chaque individu, de moi-même, si bien que tout est compréhensible, et que les comportements ne se muent jamais en monstruosités incompréhensibles, nayant plus aucun lien avec les hommes.

 Ah, nous avons tout cela en nous : Dieu, le ciel, l'enfer, la terre, la vie, la mort et les siècles, tant de siècles. Les circonstances extérieures, forment un décor et une action changeants. Mais nous portons tout en nous et les circonstances ne jouent jamais un rôle déterminant : il y aura toujours des situations bonnes ou mauvaises à accepter comme un fait accompli ce qui n'empêche personne de consacrer sa vie à améliorer les mauvaises. Mais il faut connaître les motifs de la lutte qu'on mène, et commencer par se réformer soi-même, et recommencer chaque jour.


Et si Dieu cesse de m'aider, ce sera à moi d'aider Dieu.
Oui, mon Dieu tu sembles assez peu capable de modifier une situation finalement indissociable de cette vie. Je ne t'en demande pas compte, c'est à toi au contraire de nous appeler à rendre des comptes, un jour. Il m'apparaît de plus en plus clairement, presque à chaque pulsation de mon cœur, que tu ne peux pas nous aider, mais que c'est à nous de t'aider et de défendre jusqu'au bout la demeure qui t'abrite en nous.

Etty Hillesum, 1914-1943, juive hollandaise décédée à Auschwytz
Écrits (extraits)19/02-12/07/1942 
amisdettyhillesum.fr


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