25 septembre 2013

LA JOIE, UNE URGENCE



By Arcabas, peintre d'art sacré, Isère


Nombreux sommes-nous à tenter de venir en aide à une personne dépressive: conjoint, enfant, frère, soeur, ami ou collègue de travail. C'est un phénomène obscur et déroutant que la dépression, dont les causes semblent pouvoir être psychiques et physiologiques. La tradition monastique identifie aussi comme un danger majeur pour la vie spirituelle ce qu'elle nomme acédie, le manque de goût pour la prière et la vie de l'esprit, accompagné d'un sentiment d'ennui et de tristesse. Étymologiquement, le mot renvoie à la négligence et à l'indifférence, et donc à cette absence de goût et d'intérêt, d'énergie et de désir qui caractérise les dépressifs.
Croyants et incroyants sont pareillement désarmés face à ce mal-être, même si l'espérance des premiers est portée par la foi. Comment redonner l'envie de vivre à une personne qui se détourne de tout, que tout, continuellement, ennuie et accable?  (...) Devant ce qui ressemble à une maladie spirituelle, on se sent le plus souvent impuissant, capable seulement - et ce n'est pas rien - de se tenir à ses côtés en persévérant dans la prière.
Dans les cas les plus légers se pose toutefois la question de la responsabilité humaine dans cet abandon à la tristesse. (...) Rabbi Nahman de Btatslav, au 18ème siècle, insistait tant et plus sur la lutte contre l'abattement et la torpeur, et voyait dans la joie une urgente obligation spirituelle. Ce maître fut pourtant lui-même une âme tourmentée et sujette, semble-t-il, à la dépression. "Il faut se forcer à la joie", allait-il jusqu'à dire. (...) L'enseignement de Rabbi nahman vient nous rappeler que si tout est grâce, l'homme doit aussi prendre les événements et les états d'âme à bras-le-corps. L'homme-Jacob n'est-il pas appelé à lutter avec Dieu lui-même?

Katell Berthelot, convertie de l'athéisme au protestantisme, 
chargée de recherche au CNRS sur l'histoire du judaïsme ancien
Chronique in Panorama, oct. 2013

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