Un entretien avec Serge Kerrien, diacre,
responsable du Service diocésain de Pastorale liturgique et sacramentelle,
vicaire épiscopal de Saint-Brieuc.
Beaucoup de chrétiens, et parmi eux beaucoup de jeunes, éprouvent une réelle joie dans la pratique de l'adoration eucharistique. En quoi cela consiste-t-il ?
C'est un exercice de piété, qui date du Moyen-Age. A cette époque, les
gens ne communiaient pas, en raison des normes très restrictives : il fallait
être en "parfait état de grâce" ce qui n'est pas si fréquent,
d'autant plus qu'on ne se confessait qu'une fois dans sa vie, en général
avant de mourir ! Les chrétiens avaient donc trouvé de quoi nourrir leur
foi autrement : ils communiaient par le regard. Cette mise en relation avec le
Christ est une autre manière d'entrer en communion. C'est ainsi qu'à partir du
XIIIe siècle se sont répandus la procession du Saint Sacrement et l'élévation à
la messe. Cette piété eucharistique s'est considérablement renforcée au concile
de Trente afin de rappeler que contrairement aux protestants, les catholiques
croyaient à la présence réelle.
Selon vous, pourquoi beaucoup de chrétiens se retrouvent-ils dans cette forme de piété ?
Sans doute parce qu''aujourd'hui, on a une forme de déficit dans
la célébration de la liturgie eucharistique. On a supprimé, dans la messe, des
éléments qu'il n'aurait pas fallu évacuer
. On ne
prend plus le temps du silence, du recueillement, de la méditation. Du coup,
les plus jeunes souhaitent avoir d'autres temps d'approfondissement de la vie
spirituelle et cela explique le regain d'intérêt pour l'adoration
eucharistique. Cette forte sensibilité qui revient aujourd'hui est une belle
source de vie spirituelle !
Certains craignent une forme d'idolâtrie. Comment éviter cet écueil ?
La manière la plus juste de faire de l'adoration eucharistique
c'est d'en faire un prolongement de la messe. C'est alors qu'elle prend
tout son sens. Il faut aussi que l'adoration parte de la Parole de Dieu, car
c'est de cette parole que vient le désir d'approfondir la rencontre. On adore
en méditant la parole qu'on a reçue.
L'adoration ne remplace donc pas l'eucharistie ?
Le premier acte d'adoration, ne l'oublions pas, c'est la
communion, puisque "adorare" veut dire "porter à la
bouche". L'adoration eucharistique, elle, consiste à regarder le Christ
mais surtout à se laisser regarder par lui, à se laisser faire par lui. C'est
tout sauf un tête à tête confortable entre Jésus et moi. C'est faire silence en
soi pour que la parole de Dieu fasse son oeuvre , qu'elle me modèle, me
transforme. Le but de l'adoration eucharistique, comme de tout exercice
spirituel, c'est de nous envoyer en mission.
A la sortie , je dois servir les pauvres, je dois annoncer la
Bonne Nouvelle. A quelqu'un qui dit aimer profondément pratiquer l'adoration
eucharistique, peut-être que parce que pour des raisons diverses, il ne peut
pas communier, je dirai que c'est bien, parce qu'il y trouve une nourriture
spirituelle, mais je le mettrai en garde. Il ne faut pas s'enfermer dans
l'adoration eucharistique, il ne faut pas chosifier l'eucharistie. Le pain
eucharistique, c'est quelqu'un avec qui on entre en relation et qui vous envoie
en mission. Je dirai aussi que ce qui se passe à l'intérieur de moi-même n'est
pas de ma propre volonté. Ce n'est pas moi qui décide par ma propre force
d'être meilleur, d'avoir une vie spirituelle... Cest le Christ qui en moi me
modèle à son image.
croire.com, juillet
2007
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