17 janvier 2013

UNE ESPÉRANCE QUE PERSONNE NE PEUT RAVIR





Une image est restée, très forte. Je me vois arrivant à Dachau après ce voyage de désolation. Les relations humaines ne sont pas encore établies. Cest le premier jour de la quarantaine. Un peu de soleil brille au pied dun mirador ; en haut du mirador, cet homme casqué, à linsigne de mort des SS, armé de sa mitraillette, qui est devant moi. Ce type a une peur absolue d’être envoyé en Russie, et il est prêt à tout pour y échapper. Dune certaine façon, jai envie de lui dire : « Cest moi qui gagne ! » Lunivers de la destruction mapparaît là dans sa violence et en même temps comme frappé dune grande fragilité. Ce SS armé, bardé de cuir, cet ordre métallique, cette conscience falsifiée, enfin cette construction est une déconstruction. Tel que je suis là, il ne peut rien contre moi. Ils ont fait tout ce quils ont pu, ils mont presque dépouillé de mon corps ; le reste, je le trouve intact. Je puis librement dire : « Je crois en Dieu. » Je puis librement dire : « Vive la vie ! » Tandis que lui, là-haut, est déjà détruit par sa déconstruction. Il peut abréger la vie de mon corps, mais nimporte comment elle finira, cela fait partie de ma vie humaine. Cet homme ne peut même plus me dire un mot. Il est isolé dans sa puissance, et moi je continue à penser ce que je suis et même un peu plus quavant.
Cette expérience est pour moi lanalogue de ce que jessaie de décrire à longueur de vie comme lexpérience de la grâce, lexpérience du Dieu incompréhensible qui mest donné. Je fais cette expérience, mais je suis éternellement en panne pour la décrire !
 Dieu « en toutes choses ».  Dieu, contraire du rien, plus immense, plus démesuré dans sa présence, est là.

Jacques Sommet, jésuite (1912-2012), fut en captivité à Dachau. Il y fit lexpérience de Dieu et de la liberté.
in Lhonneur de la liberté, éd. Centurion
cité par mariedenazareth

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