Dans la chapelle, serrés debout les uns contre les autres, les cinq ou six cents prêtres suivaient silencieusement les prières du célébrant. L'organisation avait réalisé là d'étonnantes performances : la couleur liturgique par exemple, celle qui donne sa tonalité au jour qui s'annonce, était rigoureusement observée. L'office se déroulait dans un profond recueillement. Nous n'étions plus perdus sur une lointaine planète. Nous participions à la vie d'une Église, de l’Église...
Différentes confessions se partageaient le block 26 et la chapelle. Le clergé
catholique était le plus nombreux, mais il y avait aussi beaucoup de pasteurs
de la religion réformée, un certain nombre de prêtres orthodoxes venus pour la
plupart de Yougoslavie ou de Roumanie et même, un marabout d'Albanie. Une
statue de la Vierge, avec l'accord de tous, fut disposée à droite de l'autel au
cours du dernier hiver. Elle était l’œuvre d'un déporté qui avait mis très
longtemps à l'achever, au prix de difficultés que nous n'avions aucune peine à
imaginer. Taillée dans un bois de
couleur claire, stylisée, elle pouvait figurer aussi bien l’Étoile du Matin que
le Salut des Infirmes, la Consolatrice des Affligés que la Reine des Martyrs.
Tout le monde se mit d'accord pour l'appeler Notre-Dame de Dachau. Ce nom
disait tout à la fois.
Edmond Michelet
Rue de la liberté, Dachau 1943-1945
Éditions du Seuil, 1955
cité dans mariedenazareth.com
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