6 novembre 2011

DEVENIR PRÊTRE: AVENTURE DE LA FOI





Avant, son presbytère était la mairie d'une communauté d'âmes circonscrite dans l'espace.  Désormais son magistère a gagné en espace ce qu'il a perdu en densité de fidèles: les paroisses ont fusionné; leur curé vaque d'un clocher à l'autre dans un dénuement matériel extrême. Il est seul ou presque en charge d'une escouade pas toujours nombreuse de pratiquants occasionnels, secondé par un conclave restreint de paroissiens dévoués mais rarement nés de la dernière pluie. Seul avec sa foi, il rame sur un océan d'indifférence afin que vive ou survive au moins le rudiment de la culture catholique, le baptême, la communion, le mariage, la messe dominicale. Sous les dehors d'un troupier anonyme, le curé de paroisse est à la fois la chandelle et la flamme de l'Église sur l'arpent de terre qui lui a été confié. La noblesse de son sacerdoce passe inaperçue et il y a belle lurette que les séminaires ont cessé d'accueillir des candidats à la notabilité. La rareté des vocations atteste leur authenticité.  On compte tout de même des centaines de milliers de prêtres séculiers de par le vaste monde, inégalement répartis, certes, mais le maillage n'a d'équivalent dans aucune autre institution. La source n'est donc pas tarie, loin s'en faut.
En Occident, sa tâche est plus ingrate. Il le sait, il l'a choisie, il se fait une raison. S'il est âgé, il a vu dépérir les formes de religiosité de son enfance, ça l'incite forcément à la mélancolie. S'il est ordonné de fraîche date, il peut se demander à quoi rime son apostolat dans un tel désert spirituel. On voit le curé de paroisse patauger au jour le jour dans une pâte humaine lourde et rétive, surtout dans les contrées où la décristianisation file un train d'enfer.
Ville, campagne ou banlieue, la paroisse désormais est moins un pôle d'influence qu'une enclave de piété dans la nuit noire de l'irréligion, un refuge fraternel pour les âmes de bonne volonté. Grâce à Dieu celles-ci ne cessent de refleurir malgré l'aridité de l'humus. Tant qu'elles feront corps autour de leur curé, un printemps de la foi sera envisageable.

Denis Tillinac, écrivain catholique
in "Dictionnaire amoureux du Catholicisme", éd. Plon

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