4 octobre 2018

DE LA JOUISSANCE






Jouir. Oh, le vilain mot ! Comment se fait-il que nous soyons si mal éduqués au plaisir de l’instant ? Car c’est cela, « jouir » : profiter de ce qui est là. La jouissance ne s’accorde pas au futur, le temps du souci, ni au passé, celui du regret. La jouissance, c’est le fruit du présent. Un fruit que, malheureusement, peu de personnes prennent le temps de cueillir… Carpe diem (cueille le jour sans te soucier du lendemain) écrivait pourtant déjà le sage Horace, à peine un demi-siècle avant Jésus.
C’est qu’on taxe trop souvent la jouissance de plaisir facile ou coupable. Elle n’est pourtant pas la distraction qui consiste à zapper sans cesse d’un plaisir à l’autre. La jouissance demeure, elle s’installe. Elle profite. Ce n’est pas non plus la gloutonnerie ou l’intempérance, qui nous poussent à prendre toujours plus que ce dont nous avons besoin.
La jouissance savoure, elle déguste chaque parcelle de ce qui lui est donné. Jouir c’est être dans le présent, et même, pour le dire d’une façon plus claire, jouir c’est être « présent à », présent à ce qui s’offre à moi, présent à l’autre, présent à ce qui arrive. Et cette présence est accueil.
Lorsque cet accueil est total, que je suis ouvert à ce qui vient sans attente, sans préjugé, sans inquiétude donc, alors la jouissance est totale, elle est pure jouissance d’être, sans regret, sans souci. Elle est béatitude. Elle est action de grâce. Cette jouissance-là ne s’inscrit pas dans l’éternité de pacotille que les marchands du Temple nous vendent comme une accumulation infinie de moments qui passent. Elle est au contraire la grâce des saints, inscrite dans l’épaisseur du présent. Instant infiniment consistant où le réel s’offre en abondance, et qu’on appelle « Royaume ».

Frère Jocelyn Dolfault, dominicain
Méditation sur Mt 6, 33-34
„De la jouissance des saints“
matthieu.retraitedanslaville.org 01/10/18

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