Dieu ou César?
(...) La juste réponse à cette question est d'importance car c'est elle qui commande notre attitude vis-à-vis de la société «laïque», au bon sens du mot, et aussi la valeur que nous pouvons reconnaître aux choix que font tant d'hommes et de femmes sans référence religieuse. Disons que c'est librement que l'homme doit accepter de se construire à l'image de Dieu. L'Écriture ne nous fournit pas une liste du «permis» mais seulement une liste du «défendu» : les 10 paroles (Décalogue) qui, après nous avoir dit que notre vérité consiste à aimer, énumèrent les limites au-delà desquelles il n'y a pas d'amour possible. On a répété que ces interdits se récapitulent dans le «Tu ne tueras pas», qui occupe le centre de la liste. Bien entendu tuer l'autre commence quand on le méprise, quand il ne compte pas pour nous, quand on le réduit au silence ou à l'état d'objet utilisable pour la «production». Cela dit, Dieu ne nous prescrit pas comment aimer. C'est à nous de l'inventer, de le choisir: «Voici, je te propose aujourd'hui la vie avec le bon, la mort avec le mauvais Choisis la vie, afin de vivre» (Deutéronome 30, 15 et 19). Mais où est le bon, où est le mauvais ? C'est à nous d'en décider, n'avons-nous pas voulu manger le fruit de l'arbre du bon et du mauvais ? Dieu ne prescrit pas ; il ne nous parle pas en termes de permis et de défendu. Il faudra bien qu'un jour l'Église imite cette manière divine de se comporter.
En demandant aux pharisiens d'identifier l'effigie de César sur la pièce de monnaie qu'ils utilisent tous les jours, Jésus veut leur faire prendre conscience de la logique de leur vie : s'ils ne veulent pas payer l'impôt qu'ils refusent aussi de faire leurs achats avec ces pièces ; de même qu'ils renoncent à se faire payer avec cette monnaie étrangère. Ainsi nous sommes invités à prendre nos décisions non en vertu d'une supposée volonté de Dieu mais selon la logique, à notre portée, de ce que nous avons à vivre. À condition bien sûr que ces décisions illustrent notre choix fondamental de l'amour comme ligne de conduite. Cela doit évidemment dominer notre discernement des conduites à tenir. Cela dit, nous pouvons prendre conscience du fait que «rendre à César ce qui est à César» est le meilleur moyen de «rendre à Dieu ce qui est à Dieu». Dieu en effet nous rejoint par les autres et c'est aussi par les autres que nous le rejoignons. Allons jusqu'au bout : plus ces autres nous sont étranges et étrangers, plus ils nous apportent la présence de celui qui est le «Tout Autre». Remarquons cependant que les pharisiens ne demandent pas s'il est permis ou interdit de payer un impôt injuste mais l'impôt tout court. Ce qui est en cause ici ce n'est pas le juste ou l'injuste mais l'image que l'on se fait de Dieu : à la place d'un Dieu qui prévoit et prescrit toutes nos conduites, nous sommes invités à découvrir un Dieu qui nous appelle à la liberté.
Père Marcel Domergue, jésuite
Croire.com
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